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HISTOIRE DE LA PROTHESE DE HANCHE

L’HISTOIRE DE L’ARTHROPLASTIE TOTALE DE HANCHE EN FRANCE

M. KERBOULL

L’histoire de la prothèse de hanche est un trop vaste sujet pour être traité en quelques minutes.

Je voudrais toutefois remonter brièvement aux origines, c’est-à-dire à la préhistoire, en citant quelques uns des précurseurs parmi lesquels je retiendrais les trois qui semblent à l’origine de l’arthroplastie totale.

Thomas Gluck en 1890 a confectionné la première prothèse totale de hanche faite d’une tête fémorale et d’une cupule en ivoire articulées entre elles et fixées à l’os par un ciment de sa composition, fait de colophane, de poudre de pierre ponce et de plâtre.

Philip Wiles, en 1938, est à l’origine de la première prothèse totale métal-métal en acier inoxydable avec une cupule vissée dans le cotyle, une tête fémorale fixée à un clou cervical solidaire d’une plaque boulonnée à la face externe de la diaphyse.

Six patients atteints d’une maladie de Still ont ainsi reçu cette prothèse et l’un d’eux avait une bonne fonction 13 ans après son opération.

E.J. Haboush, en 1939, utilise une prothèse totale dont les pièces en Cobalt Chrome sont fixées à l’os pour la première fois par du ciment acrylique.
Ces tentatives, en réalité peu nombreuses, furent généralement assez catastrophiques si l’on excepte un cas de Philip Wiles.

Il faudra attendre les années 1950 pour obtenir une prothèse totale susceptible de redonner à la hanche une articulation performante.

Deux anglais, K. Mc Kee et J. Charnley sont à l’origine de l’arthroplastie totale moderne.

K. Mc Kee et W. Farrar de Norwich publient dès 1951 leurs premiers résultats d’une prothèse totale dont les deux pièces en Cobalt Chrome articulées entre elles sont fixées par du polymétacrylate de méthyle.

J. Charnley à Wrightington expérimente à partir de 1959 une prothèse fémorale en acier inoxydable articulée avec une cupule en plastique, d’abord du téflon puis à partir de 1962 du polyéthylène de haute densité. Les deux pièces sont fixées à l’os par du ciment acrylique, mais il attendra 1969 pour autoriser la commercialisation de sa prothèse.

Je vais limiter mon sujet à l’histoire de l’arthroplastie totale de hanche en France et comme vous le verrez, même ainsi limitée, elle reste très compliquée.

L’histoire de l’arthroplastie totale de hanche en France est marquée par deux traits fondamentaux : une imagination extrêmement fertile des chirurgiens orthopédiques et souvent une compréhension plutôt pauvre des problèmes mécaniques de l’articulation de la hanche.

L’histoire peut être divisée en quatre étapes principales.

1) 1965-1972. DEBUT DE L’ARTHROPLASTIE TOTALE. SUCCES, PROBLEMES ET LIMITES.

La prothèse de Mc Kee et Watson Farrar fut introduite en France par Teinturier et Merle d’Aubigné en 1965.

Elle était faite d’une pièce fémorale de Thompson avec une grosse tête de 41 mm de diamètre et une cupule métallique dont la convexité était hérissée de nombreux picots. Les deux pièces en cobalt-chrome étaient fixées à l’os pas du méthacrylate de méthyle.

Les difficultés d’importation de la prothèse de Mc Kee en France conduisirent, en 1966, Merle d’Aubigné à faire fabriquer une prothèse française inspirée du modèle de Mc Kee dont elle reprenait le matériau, le chrome-cobalt, mais en diminuant la longueur des picots cotyloïdiens et en remplaçant la pièce fémorale par une prothèse de Moore à tige pleine dont la forme triangulaire lui paraissait devoir assurer une meilleure fixation cimentée.

Cette prothèse, appelée Mc Kee-Merle d’Aubigné, fût très largement utilisée en France pendant 5 à 7 ans puis progressivement abandonnée en raison de la fréquence élevée (10 % à 2 ans dans notre série) des descellements cotyloïdiens et cela malgré un usinage extrêmement poussé des surfaces articulaires.

Parallèlement, à la même époque, Robert et Jean Judet utilisaient une prothèse personnelle à cotyle en polyéthylène de haute densité qui avait deux caractères particuliers, un cotyle rétentif (pour éviter les luxations) articulé avec une tête de 35 mm et une tige très courte et courbe (appelée virgule) en stellite, pour une fixation cimentée métaphysaire. La fréquence des descellements à la fois cotyloïdiens et fémoraux obligea Robert Judet à modifier à plusieurs reprises cette prothèse.

Il allongea la tige fémorale et pour protéger la fixation cotyloïdienne il ajouta une articulation supplémentaire cylindro-conique entre col et tête. Cette prothèse appelée « tory bloc » fût à l’origine d’ostéolyses catastrophiques dues à l’usure métallique. Elle fût rapidement abandonnée.

En 1966, Lagrange et Letournel font fabriquer une prothèse métal-plastique en cobalt chrome avec une courte et mince tige, une grosse tête et un cotyle rétentif.

Cette prothèse fût à l’origine de nombreux déboires : descellement cotyloïdiens et fémoraux, fractures de tige. Maurice Muller qui avait essayé successivement le métal-métal, l’hybride, métal-métal avec plots en polyéthylène, puis le métal-polyéthylène, la tige droite puis courbe, introduisit en 1967 en France la prothèse dite « banane » à tige courbe en cobalt-chrome avec une tête de 32 mm articulée avec un cotyle en polyéthylène.

Cette prothèse fut rapidement adoptée par de nombreux chirurgiens français, particulièrement dans le Nord, l’Est et le Sud Est du pays.

En 1969, après 6 années d’expérimentation personnelle, John Charnley autorisa la commercialisation de sa prothèse « low-friction » en acier inoxydable à tête de 22,22 mm articulée avec une cupule en polyéthylène de haute densité.

Nous l’avons adoptée à cette époque, persuadés que le faible coefficient de friction de l’acier sur le polyéthylène et la petite tête étaient capables de mettre le cotyle à l’abri de sollicitations excessives et d’éviter son descellement.

Toutefois, dès 1971, après deux années d’utilisation de cette prothèse, l’existence d’un liseré clair au dos de la convexité de la pièce fémorale associée ou non à une fracture du ciment en regard de l’extrémité de la tige témoignait, dans certains cas, d’une fixation relativement précaire de cette pièce fémorale dite « flat-back ».

2) 1972-1986. FIN TEMPORAIRE DES PROTHÈSES MÉTAL-MÉTAL, DÉBUT DE LA FIXATION SANS CIMENT, AMÉLIORATION DE LA FORME DES PROTHÈSES CIMENTÉES, MULTIPLICATION DES MODÈLES

Au début des années 70, la fixation cimentée des pièces prothétiques qui avait permis l’essor de l’arthroplastie totale et la qualité de ses résultats montrait ses limites.

Beaucoup de chirurgiens ont alors chargé le ciment de tous les péchés, c’est l’époque de la « maladie du ciment », le rendant responsable de tous les échecs mécaniques, tandis que d’autres accusaient les défauts morphologiques ou mécaniques de la prothèse et les imperfections de la réalisation technique de l’opération d’être à l’origine de ces mêmes échecs.

En 1972, Robert Judet abandonnait le ciment au profit d’une prothèse à surface irrégulière dite « poro-métal » dont la tige avait un large aileron fenêtré. Elle était surmontée d’une tête amovible, fixée au col par un cône morse et articulée, avec effet de rétention, avec une cupule en polyéthylène enchâssée dans un cylindre en stellite à surface identique à celle de la pièce fémorale.

Gérald Lord, en 1974, imagina une tige cylindroconique en cobalt chrome revêtue de billes, dite « madréporique », et un cotyle métallique de forme tronc-conique fixé au cotyle osseux par vissage et contenant un insert en polyéthylène.

Ce cotyle vissé à l’époque, a séduit beaucoup de chirurgiens et en quelques années on a assisté à la multiplication de ces cotyles vissés.

A la même époque, Pierre Boutin commença ses travaux sur l’oxyde d’alumine qui aboutiront quelques années plus tard à la réalisation d’une prothèse alumine-alumine dont le bas coefficient de friction, l’usure négligeable et l’excellente tolérance des particules paraissaient des éléments déterminants pour l’efficacité et la longévité de ce type d’arthroplastie.

Mais les ennuis mécaniques du début de cette expérience furent nombreux, dus essentiellement à la fragilité du matériau et aux difficultés de fixation de la tête en céramique au col de la prothèse. Petit à petit, ces problèmes ont été réglés, en particulier la fixation de la tête au col par cône-morse.

La pièce fémorale était habituellement cimentée mais le cotyle dont la convexité était munie de trois ergots pouvaient être utilisée sans ciment. Si le couple alumine-alumine n’a séduit à cette époque que peu de chirurgiens, en revanche beaucoup adoptèrent, quel que soit le type de prothèse, une tête en oxyde d’alumine articulée avec un cotyle en polyéthylène.

A la même époque, Michel Postel espérait diminuer la friction métal-métal en dotant la surface articulaire de la cupule de bandes de glissement en relief. Il dut abandonner cette prothèse au bout de quelques années en raison de la fréquence d’une ostéolyse péri-cotyloïdienne due aux débris d’usure métallique et responsable de nombreux descellements cotyloïdiens.

Ce fut la fin temporaire du métal-métal.

Tandis que la fixation sans ciment faisait ses premiers pas, la majorité des chirurgiens à cette époque sont restés fidèles au ciment, malgré ses médiocres qualités physiques et mécaniques.

Ne sachant comment les améliorer, j’ai imaginé, en 1972, de le décharger des contraintes nocives de flexion et de traction qu’il ne pouvait supporter et de ne le soumettre qu’à des contraintes de pression en modifiant la forme et l’architecture de la pièce fémorale de Charnley.

Ces modifications qui comportaient un redressement de l’angle cervico-diaphysaire, une augmentation de l’angle de décroissance de sa section et une adaptation de la tige prothétique aux dimensions du canal médullaire, se sont révélés à posteriori très bénéfiques pour la fixation de la pièce fémorale puisque la survie à 20 ans de la fixation cimentée de la pièce fémorale se chiffre dans notre expérience, entre 98 et 99 % en fonction des séries étudiées.

Malgré son ancienneté (36 ans) cette prothèse est encore très utilisée et supporte aisément la comparaison avec des modèles plus modernes.

Deux à trois ans plus tard, Charnley avec la tige Cobra, et Muller avec la tige droite, dite auto-bloquante, amélioreront également la forme de leurs pièces fémorales les rendant plus solides, mais l’introduction d’une surface mate sera à l’origine d’autres soucis.

Au début des années 80, il existe un contraste important entre la fiabilité de la fixation cimentée des prothèses récentes dont la technique d’implantation s’est bien améliorée et les aléas de la fixation « biologique » sans ciment.

Malgré une apparente et immédiate fixation solide, les cotyles vissés migrent fréquemment ; quant aux pièces fémorales, ou leur fixation est incertaine, ou elle est uniquement diaphysaire.

Dans les deux cas, douleur et boiterie altèrent la qualité du résultat. Un autre problème se posait régulièrement, c’est la difficulté d’extraction d’une pièce fémorale lorsqu’elle était solidement fixée à l’os.

Ces différents problèmes ont conduit à l’amélioration de la morphologie des pièces prothétiques de mieux en mieux adaptées au canal médullaire, à l’utilisation de l’alliage de titane et à des revêtements de surface plus élaborés (micro billes, treillis métallique) ; mais les échecs, bien qu’en nette diminution, restent encore nombreux et certains chirurgiens à cette époque reviennent à la fixation cimentée.

Dans l’espoir d’améliorer la fixation sans ciment de la pièce fémorale, Bousquet expérimente une tige conique revêtue d’oxyde d’alumine qu’il visse dans la diaphyse et qui sera confrontée aux mêmes problèmes : absence fréquente de fixation rigide ou impossibilité d’extraction sans dommage osseux majeur.

Cette impossibilité d’extraire, sans dégât osseux, une tige fémorale bien fixée à l’os conduira Gerald Lord à abandonner le revêtement madréporique pour des rainures longitudinales.

L’ablation de la prothèse devient alors plus aisée, mais la fixation est incertaine et précaire.

Butel conçoit une prothèse fémorale dont la tige, divisée en quatre brins, conserve une certaine élasticité. La fixation à l’os est très incertaine mais son ablation est aisée.

Cirotteau remplace la tige intra-médullaire par une plaque vissée sur la corticale externe du fémur, réinventant ainsi, 40 ans plus tard, la prothèse de Philip Wiles.

Gérard supprime la tige fémorale couvrant juste la tête fémorale d’une cupule métallique articulée avec une cupule cotyloïdienne.

Cette méthode, reprise par Trentani en Italie, Freeman en Angleterre, Wagner en Allemagne et Aubriot en France, qui ajouteront la fixation cimentée des pièces prothétiques, connaîtra un succès bref et partiel, disparaîtra assez rapidement en raison du pourcentage élevé de descellements cotyloïdiens et d’ennuis fémoraux divers (fractures du col, ostéolyse de la tête…).

A cette époque, il existait un nombre considérable de différents modèles de prothèses, vraisemblablement plus de 200 types différents, donnant l’impression que chaque chirurgien voulait son modèle personnel.

L’autre fait marquant de cette époque fut la diminution de la taille de la tête fémorale de 35 ou 32 à 28 ou 26 car il apparaissait de plus en plus évident que le descellement cotyloïdien était beaucoup plus rare avec la prothèse de Charnley qu’avec les autres.

3) 1986-1997. AMÉLIORATION DE LA FORME ET DU REVÊTEMENT DES PROTHÈSES SANS CIMENT. DÉBUT DE L’HYDROXYAPATITE. DÉVELOPPEMENT DE LA MODULARITÉ. USURE DU POLYETHYLENE.

Dans la seconde moitié des années 80, quelques orthopédistes, déçus par les prothèses sans ciment, reviennent à la fixation cimentée tandis que d’autres persistent à trouver une solution aux différents problèmes de la fixation biologique.

Rapidement des progrès considérables sont effectués dus à l’utilisation de l’alliage du titane pour la tige et le cotyle, à la forme hémisphérique du cotyle, à l’adaptation de la tige fémorale aux dimensions du canal médullaire, à l’amélioration du revêtement des pièces prothétiques et à sa limitation, au niveau de la tige, à sa portion métaphysaire, supprimant ainsi douleur de cuisse et diviation des contraintes.

Surtout en 1986 l’introduction en France du revêtement d’hydroxyapatite constitua une étape décisive dans la fixation biologique des implants.

L’utilisation d’alliage de titane pour la tige a accru la nécessité d’un cône morse pour fixer la tête de CoCr ou de céramique.

En outre, le souci de diminuer le nombre de tailles de la pièce fémorale et la possibilité d’utiliser des têtes fémorales de tailles différentes, donc des inserts en polyéthylène différents, ont conduit à un large développement de la modularité.

Peut être en raison d’imperfections techniques, cette modularité a été à l’origine de quelques ennuis dus à la mobilité de l’insert en polyéthylène dans sa coquille métallique, générant des débris de polyéthylène, ou de la tête fémorale sur son cône morse, responsable de métallose.

A cette époque également, les résultats à long terme des prothèses cimentées commencent à être connus, tout comme l’ostéolyse due aux débris de polyéthylène.

Cette ostéolyse, surtout péri-acétabulaire, mais parfois aussi fémorale, conduit au descellement du cotyle et rend la chirurgie de reprise plus difficile, plus aléatoire et ses résultats décevants en l’absence de reconstruction osseuse.

Cette maladie du polyéthylène a eu des conséquences favorables. Ce fut une raison supplémentaire pour diminuer la taille des têtes prothétiques puisque la masse des débris de polyéthylène est directement proportionnelle aux dimensions de la tête, et pour pouvoir utiliser la têtes de 28 mm et même de 22 mm les tenants de la céramique ont adopté la zircone plus résistante à l’éclatement.

En outre, elle a initié de nombreuses recherches et expérimentations pour essayer de mieux appréhender ce phénomène, essayer d’améliorer la résistance à l’usure du polyéthylène ou trouver un meilleur matériau pour les surfaces articulaires.

Toutefois la panacée restait à trouver. L’utilisation de cotyle en polyéthylène moulé, que comme d’autres, nous avons expérimenté en 1987 ne se montre pas à dix ans supérieur au classique polyéthylène usiné.

La stérilisation par irradiation gamma en atmosphère d’oxygène a été tenue pour responsable de l’oxydation du matériau et de la dégradation de ses propriétés mécaniques.

On peut espérer que l’irradiation en atmosphère inerte, l’extraction des radicaux libres et l’emballage sous vide diminueront l’oxydation du polyéthylène tout comme le faisait la stérilisation à l’oxyde d’éthylène utilisée au début des années 70.

En fait, si le polyéthylène est un matériau de choix pour les surfaces articulaires, c’est indiscutablement un matériau complexe dont les propriétés physiques et chimiques dépendent du type de résine et de la méthode utilisée pour transformer la poudre en un implant orthopédique.

Si nous commençons à mieux le comprendre, si nous croyons que nous savons ce qu’il devrait être idéalement, nous ne savons pas encore qu’elle est la meilleure façon d’atteindre ce but et il est navrant de constater que le polyéthylène actuel est à l’évidence bien moins résistant à l’usure que ne l’était celui des années 70.

Sans attendre une vraisemblable solution à ce problème, et peut être dans un proche avenir, le courant a poussé un certain nombre d’orthopédistes à utiliser les couples céramique-céramique ou à retourner vers le métal-métal avec le risque d’un divorce mécanique progressif entre une cavité osseuse élastique et déformable et un implant rigide et indéformable.

A cette époque on pouvait dire que le problème de la fixation des pièces prothétiques à l’os avait été résolu dans la presque totalité des cas.

Grâce à une forme adéquate et à des revêtements de surface performants, la fixation sans ciment était devenue fiable. La fiabilité de la fixation cimentée acquise depuis le milieu des années 70 a toutefois été mise en danger dans certains cas par l’utilisation de surfaces mates, microscopiquement granuleuses, pour les tiges fémorales.

Cet état qui crée une adhérence entre le ciment et la tige surcharge en contraintes de cisaillement l’interface ciment-os et peut conduire à un descellement plus ou moins précoce.

En outre, quand la surface d’une tige en alliage de titane destinée à être cimentée n’a pas été suffisamment durcie, elle peut libérer des particules métalliques et induire une ostéolyse.

Ces deux faits conduisent à un renouveau d’intérêt pour les tiges polies brillantes en acier inoxydable.

Quant à la longévité de la fixation des pièces prothétiques, elle dépend à l’évidence de la résistance à l’usure du polyéthylène dont la détérioration est la principale cause des échecs tardifs de l’arthroplastie totale de hanche, que la prothèse soit cimentée ou non.

4) 1997-2008. RETOUR VERS LE PASSE, COUPLES DUR-DUR, DOUBLE CUPULE SCELLÉE (RESURFACAGE). AMÉLIORATION DU POLYÉTHYLÈNE. PROGRESSION IMPORTANTE DE LA FIXATION SANS CIMENT.

Les conséquences fâcheuses de l’ostéolyse due aux débris d’usure du polyéthylène ont entraîné un regain d’intérêt pour les couples dur-dur.

Les progrès en métallurgie et en usinage ont permis d’obtenir un meilleur couple de friction des prothèses en cobalt chrome et un certain nombre de chirurgiens ont adopté cette technique qui assurait une usure minime, mais imposait une grosse tête fémorale et donc un cotyle de grande taille.

Les succès immédiats ont été encourageants, mais ternis à moyen terme par quelques soucis dus à la fixation cotyloïdienne, encore que celle-ci ait pu être améliorée par l’utilisation de pièces sans ciment à revêtement performant.

Ces derniers progrès techniques ont également rendu possible l’utilisation de doubles cupules selon la technique dite de resurfaçage qui a connu un développement foudroyant en Amérique du Nord et dans quelques pays Européens, essentiellement nordiques, un peu moins important en France.

L’essor récent des prothèses alumine-alumine tient au fait que l’usure du matériau est extrêmement réduite et que les débris d’usure sont totalement inertes.

Le problème de la fixation à l’os du cotyle a enfin été résolu par l’utilisation d’une coque en titane avec un revêtement biologiquement performant, qu’il soit revêtu ou non d’hydroxyapatite.

Enfin, ce type de prothèse a également été adopté par des chirurgiens un peu déçus des ennuis dus à un couple métal-métal.

Quant à la zircone qui avait été utilisée à la fin des années 90, en raison de sa meilleure résistance à la rupture, elle a été victime d’une erreur de fabrication qui a entraîné un pourcentage de 10 % à 15 % de ruptures de tête.

Elle a été retirée du commerce en 2001 et se voit progressivement remplacée par l’oxyde d’alumine ou, proposée plus récemment, par la céramique Delta mélange d’oxyde d’alumine et de zircone.

L’autre élément marquant de la décennie est représenté par l’amélioration du polyéthyne sous forme de polyéthylène hautement réticulé par irradiation gamma ou faisceau d’électrons jusqu’à 10 Mégarads associée à l’extraction des radicaux libres.

Ce nouveau polyéthylène dont la résistance à l’usure semble très supérieure au polyéthylène classique, a redonné un nouvel essor au couple métal ou céramique polyéthylène, toutefois la taille des particules libérées dans ce type de couple, bien qu’en nombre réduit, est beaucoup plus petite qu’avec le polyéthylène classique et donc susceptible de déclencher des réactions ostéolytiques plus marquées.

Le dernier fait notable de la décennie est la progression importante du pourcentage des prothèses sans ciment, en raison essentiellement des progrès dus à leur forme et leur revêtement qui a rendu leur fixation à l’os extrêmement fiable.

Enfin cette décennie voit la réduction très importante des prothèses monobloc au profit des modulaires, à la fois effet de mode, car dans la plupart des cas avec une technique opératoire correcte les prothèses modulaires ne sont pas utiles, mais aussi fiabilité croissante des cônes morses.

CHIRURGIE DE REPRISE

Plusieurs points essentiels ont marqué l’histoire de la chirurgie de reprise et ont permis d’en améliorer les résultats.

Le plus important, tout du moins si on utilise une prothèse cimentée, est la nécessité de réparer les dégâts osseux avant l’implantation d’une nouvelle prothèse.

Cette notion, évidente depuis le milieu des années 70, a conduit à un large développement des allogreffes spongieuses et corticales, à la mise au point d’armatures métalliques destinées à guider et à renforcer la reconstruction osseuse cotyloïdienne.

La reconstruction fémorale utilise soit des greffons morcelés et impactés dans le canal médullaire, soit exceptionnellement des greffons massifs corticaux de remplacement ou de renforcement segmentaire d’un fût fémoral très détruit.

Mais le risque, peut être exagéré mais sans doute non négligeable, de transmission par l’allogreffe d’une maladie infectieuse à considérablement durci la législation sur les banques d’os, poussé à l’utilisation de substituts inertes et même incité à se passer de toute reconstruction osseuse en utilisant des pièces prothétiques non cimentées à revêtement performant mais de plus en plus volumineuses et souvent verrouillées à leur extrémité distale.

Cette technique qui utilise une voie d’abord trans-fémorale a, dans de nombreux cas, permis une restauration osseuse progressive d’un fût fémoral très détérioré. Au niveau du cotyle, la nécessité de trouver un contact entre la pièce prothétique et l’os sain a conduit à implanter des pièces cotyloïdiennes de grande taille et souvent haut situées, ce qui n’allait pas toujours sans conséquence fâcheuse sur le fonctionnement de la hanche.

ETAT ACTUEL DE L’ARTHOPLASTIE TOTALE EN FRANCE

Avant de terminer, je voudrais brièvement vous donner une idée de l’état actuel de cette intervention en France, en vous  faisant part d’une étude réalisée par l’Institut Avicenne Développement en 2008.

En 2007, sur les 790000 prothèses de hanche implantées en Europe, 142000 l’ont été en France dans 600 centres. 35 % ont été implantées dans les hôpitaux publics et 65 % en cliniques privées.

Sur les 142 000 prothèses de hanche, 18 %, soit 25560, sont des prothèses fémorales simples, 82 % des prothèses totales (116440) dont 22 720 des prothèses de révision. 5 % seulement sont monoblocs et 95 % des modulaires.

Sur 90 000 prothèses modulaires,   50 %, soit 45 000 sont utilisées sans ciment, 35 %, soit 31500 sont cimentées, 15 %, soit 13500 ont une pièce cimentée et l’autre sans ciment, elles sont appelées hybrides.

Dans les prothèses cimentées, le métal polyéthylène est le couple le plus fréquemment utilisé : 70 %, la céramique polyéthylène représentant 30 %.

Dans les prothèses non cimentées ou hybrides, le métal polyéthylène ne représente plus que 25 %, la céramique polyéthylène 31 % et céramique céramique 36 %, le métal métal ne dépassant pas 8 %.

L’étude de la décennie fait apparaître quelques notions intéressantes valables à la fois pour l’Europe entière et la France.

Les prothèses totales, aussi bien en volume qu’en valeur, ont connu un pic en 2004. Après cette date, volume et valeur diminuent pour revenir en ce qui concerne le volume au chiffre de 2001 et la valeur au chiffre de 1999.

L’érosion en valeur est manifeste et devrait continuer.

Les projections pour 2010 envisagent dans toute l’Europe une réduction de 6 % à 11,4 %, ce dernier chiffre étant la prévision pour la France.

Cette réduction des coûts est essentiellement due à la régulation des remboursements et à la concurrence.

En revanche, l’augmentation des coûts est due à la mise sur le marché de nouveaux modèles, en particulier des prothèses de révision. L’ensemble aboutit à un équilibre.

Les autres notions concernent
– La fixation à l’os : le pourcentage des prothèses cimentées diminue régulièrement alors que les prothèses non cimentées augmentent d’autant, les hybrides restant à peu près stables

– Concernant le couple de friction, on note une diminution progressive du couple métal polyéthylène, réduction compensée par l’augmentation du couple alumine polyéthylène.

La zircone, qui avait été victime d’une erreur de fabrication responsable de nombreuses fractures, a été retirée du marché en 2001, remplacée par l’alumine puis plus récemment par la céramique Delta, mélange d’alumine et de zircone. Le couple métal métal progresse, mais lentement, du moins en France.

La nécessité d’une chirurgie de révision croit régulièrement au rythme de 0,5 % par an. Les taux actuels en Europe varient en fonction des pays de 12 % en Allemagne à 17 % en Grande Bretagne, il est de 16 % en France.

Parmi les nouveautés, la chirurgie de resurfaçage utilisant un couple métal métal à eu depuis 2004 une croissance foudroyante en Europe, passant de 12000 à 28000 en 2 ans.

En France cette technique demeure pour l’instant un peu marginale (1500 prothèses par an).

Ce survol de l’histoire de l’arthroplastie totale de hanche en France est évidemment très incomplet, certains trouveront même qu’il n’est ni impartial, ni tout à fait exact. Je suis tout à fait conscient de ses lacunes. Mon but n’était que d’esquisser l’histoire des 43 dernières années en soulignant ce qui me semblait être les étapes principales.